N Djamena
La visite de travail au Tchad du ministre des Affaires Étrangères de la Fédération de Russie, Sergueï Lavrov, le 5 juin dernier, marque l’actualité traitée par les journaux tchadien de la semaine.
« Le chef de la diplomatie russe est à N’Djamena », annonce Alwihda Info. Il a été reçu en audience par le président de la République Mahamat Idriss Deby Itno, informe, de son côté, le journal Le Pays. Le chef de l’Etat et son hôte ont discuté de la coopération bilatérale et des perspectives de son élargissement et son raffermissement, rapporte la revue Tchad et Culture.
En janvier 2024, rappelle le journal Le pays, le président tchadien et son homologue russe, Vladimir Poutine ont eu un tête-à-tête à Moscou au cours duquel Mahamat Kaka a brandi la souveraineté de son pays. Depuis lors, la coopération russo-tchadienne se développe activement dans les domaines économique et sécuritaire et porte déjà ses fruits. « Des militaires russes ont aidé à mener une opération de libération de soldats tchadiens capturés par des militants islamistes », argumente notre confrère. L’arrivée du ministre Sergueï Lavrov au Tchad confirme donc la solidité de rapport entre le Tchad et la Russie, renchérir la revue Tchad et Culture.
Mais cette visite du chef de la diplomatie russe, la première du genre au Tchad, un pré-carré français, suscite des interrogations chez nos confrères. « La Russie a-t-elle franchi le rubicon ? », se demande L’Observateur. Ce déplacement du n°2 du Kremlin ne va pas empoisonner les relations entre le Tchad et la France, s’interroge TchadInfos.
De toute évidence, analyse L’Observateur, « cette tournée africaine de Sergueï Lavrov ressemble à une campagne de propagande contre la France et les Etats-Unis qui considèrent le continent africain comme leur chasse-gardée ». Du coup, déduit Abba Garde, cette visite annonce « la rupture des relations entre la France et le Tchad. Une rupture diligemment préparée depuis que Paris tentait de s’opposer à la candidature de Mahamat Idriss Deby Itno à l’élection présidentielle, révèle l’hebdomadaire. Cette thèse se vérifie dans les propos de Sergueï Lavrov lui-même, lorsqu’il déclare au journal Le Pays : « Notre relation avec le Tchad ne va pas influencer le rapport du Tchad avec la France. Nous ne choisissons pas nos amis et nos ennemis, c’est la France qui demande aux autres de choisir leurs amis et leurs ennemis », déclare à notre confrère, le ministre russe des affaires étrangères. En clair, « la France a une autre approche selon laquelle, soit vous êtes avec nous, soit vous êtes contre nous », explique le quotidien Le Progrès. N’en déplaise à Abderaman Koullamallah qui annonce à Alwihda Info : « La France et le Tchad entretiennent des liens historiques séculaires, et nous continuerons à entretenir ces liens. Cependant, nous ne sommes l’otage de personne, que ce soit la France, la Russie ou toute autre puissance ou pays. Nous sommes un pays souverain, nous continuerons à entretenir des relations avec qui nous voulons », martèle le chef de la diplomatie tchadienne.
En tout cas, cette coopération russo-tchadienne ne va plaire au président français, Emmanuel Macron, qui a contribué à l’accession au pouvoir de Mahamat Idriss Deby Itno au lendemain du décès tragique du président Idriss Déby, le 20 avril 2021, éclaire L’Observateur. Du coup, c’est une « coopération suicidaire », s’exclame à sa Une Abba Garde. Dans ce jeu de cache-cache, Mahamat Kaka n’a pas peut-être pris la mesure des enjeux politique et militaire de son pays. « A vouloir emboiter le pas aux révolutions malienne, nigérienne et Burkinabé, il court de hauts risques face à une France disposant de plusieurs cordes à son arc et maitrisant parfaitement les enjeux sécuritaires dans le Sahel », alerte le même journal.
Donc, « le Tchad pourrait-il se débarrasser aussi facilement de la France ? », se demande l’hebdomadaire N’Djaména Hebdo. Si tel est le cas, « les autorités tchadiennes vont-elles enfin autoriser les manifestations contre la présence des militaires français sur le territoire tchadien ? D’autant plus que plusieurs associations ne cessent de demander le départ des troupes françaises du Tchad », expose notre confrère. Quoiqu’il en soit, « Déby choisit la Russie », affirme sans ambages le journal Le Pays.
Alphonse Dokalyo
