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S.E.M. Bertrand Soret, Ambassadeur, Chef de la Délégation de l’UE au Tchad : « Ce qui compte, c’est la stabilité du Tchad »

Le Chef de la Délégation de l’UE au Tchad, S.E.M. Bertrand Soret, a effectué une visite de travail au Cefod. Après sa visite, le chef de la délégation de l’UE a  livré ses impressions et partagé la vision de son institution pour le Tchad dans une interview exclusive accordée à Tchad et Culture.

Tchad et Culture : Excellence M. l’Ambassadeur, vous avez effectué le 28 janvier dernier une visite au CEFOD. Quel est le mobile de ce déplacement ?

S.E.M. Bertrand Soret ( BS) : Le CEFOD est un acteur historique qui anime non seulement la société civile tchadienne, mais contribue à la fois au débat démocratique, à la promotion de la paix, au dialogue, et à la culture tchadienne. Le CEFOD est également un partenaire de l’Union Européenne avec lequel un certain nombre de projets sont développés. Nous avons avec cette structure une longue collaboration dans plusieurs activités pour l’animation de la société. Il était donc important pour moi que je vienne visiter les lieux et fasse connaissance avec la direction et les différents collaborateurs de l’institution.

T.C. : Quelles sont vos impressions à l’issue de cette visite ?

B.S. : J’ai été extrêmement impressionné par le professionnalisme et la connaissance des problématiques de la société tchadienne de la part de tous les intervenants au CEFOD. J’étais en admiration vis-à-vis du centre de formation universitaire et de ses étudiants que j’ai pu rencontrer lors de ma visite, la qualité du fonds documentaire du CEFOD et de ses usagers. Le CEFOD a une collection très riche et totalement unique.

T.C. : Comment se présentent les perspectives de coopération entre le CEFOD et la Délégation de l’Union Européenne ?

B.S. : Nous allons poursuivre les projets en cours. En fonction des domaines que nous allons identifier, nous allons relancer de nouvelles initiatives, que ce soit dans le domaine du débat citoyen en vue des prochaines élections, ou des échanges inter et intracommunautaires au Tchad. Il y a aussi d’autres domaines que nous avons évoqués lors de notre visite pour voir ce qui est possible de faire en la matière.

T.C. : Quelles sont les grandes orientations de la politique de l’Union européenne avec le Tchad ?

B.S. : Pour l’Union européenne, ce qui compte en premier lieu, c’est de promouvoir le développement et la stabilité du Tchad. Cela passe par la sécurité et la gouvernance. Ce sont des domaines dans lesquels nous avons été attentifs depuis déjà de nombreuses années et dans lesquels nous renforçons notre coopération. Nous sommes aussi actifs pour le rôle que joue le Tchad au niveau régional au sein du G5 et de la CBLT. Il y a donc à la fois des aspects bilatéraux, mais aussi des aspects régionaux pour que le Tchad assure son rôle régional et son développement endogène au vu de sa population qui reste malheureusement victime des conditions de vie difficiles.

T.C. : Le Tchad est considéré comme le rempart contre le terrorisme islamiste en Afrique. Bénéficie-t-il de l’appui nécessaire de l’Union Européenne dans ce combat ?

B.S. : Il faut distinguer les aspects bilatéraux et régionaux, même s’ils sont complémentaires. Au niveau régional, l’Union Européenne est l’un des principaux partenaires du G5 Sahel. Elle fournit des ressources financières et techniques pour la formation des forces de sécurité intérieure et les armées des différents pays de cet espace. Au Tchad précisément, il y a la construction d’un centre de formation du G5 Sahel soutenu par l’Union Européenne pour la police. Il y aura également la constitution du Quartier Général (QG) du fuseau Est qui sera basé à Wour et qui abritera le poste de commandement de la force conjointe au Tchad. Dans le cadre de la CBLT, l’Union Européenne contribue au fonctionnement de la Force conjointe de lutte contre la secte Boko Haram. Nous fournissons, à travers la Facilité de paix de l’Union Africaine, du matériel et un appui conséquent à cette force. Nous allons renforcer cet appui, mais aussi à la CBLT en tant qu’organisation en finançant une partie des activités qui sont identifiées dans le plan de stabilisation développé en partenariat avec l’Union Africaine. Au niveau bilatéral, nous collaborons avec les forces de sécurité intérieure dans un certain nombre de projets comme FRONTCHAD ou le SECUTCHAD qui sont des projets de sécurité sur le Chari ou sur le lac Tchad en renforçant les capacités des forces de sécurité tchadienne à faire face au terrorisme. Nous avons d’autres ambitions de coopération qui vont être développées au début du mois d’avril prochain lors de la visite de notre Secrétaire Général Adjoint. SE Pedro Serrano, pour les questions de sécurité.

T.C. : Quels sont les défis socioéconomiques majeurs qui se présentent aujourd’hui au Tchad ?

B.S. : Nous sommes en discussion avec les autorités tchadiennes pour poursuivre nos efforts dans les domaines de développement, de sécurité alimentaire, de santé, notamment la nutrition infantile. Nous sommes actifs également dans le domaine humanitaire à travers ECHO qui est notre organe spécialisé. En utilisant les nouveaux instruments qui sont en cours à l’Union Européenne, nous voudrions être plus présents dans le développement du secteur privé, des emplois, des filières économiques qui permettraient la création d’emplois au Tchad. Nous avons un instrument pour le soutien aux investissements privés. Ce sont des secteurs nouveaux que l’Union Européenne va investir pour un développement durable. Nous espérons beaucoup qu’à travers cette nouvelle approche, la jeunesse trouve sa place dans l’économie tchadienne. Pour cela, nous nous rendons également compte des défis d’éducation et de formation professionnelle. Cela fera partie des domaines d’activités des années à venir. Nous commençons des discussions avec nos partenaires tchadiens pour identifier de nouveaux domaines d’activités pour le cycle de programmation à venir. Il y a convergence de vue entre nous et les autorités tchadiennes.

T.C. : Les jeunes et les femmes :  y aura-t-il des programmes spécifiques à l’endroit de ces deux couches pour le développement intégré du Tchad ?

B.S. : Nous avons été très impliqués dans la définition du plan national genre qui vient d’être adopté au Tchad. Nous portons une attention particulière à cette dimension dans le développement de nos interventions au niveau local. S’agissant des jeunes, des programmes régionaux pour le dialogue avec la jeunesse sont en cours. Ceci en vue de mieux l’insérer dans le tissu économique, mais aussi en vue du dialogue institutionnel et politique. C’est un programme développé dans plusieurs pays du Sahel en même temps.

T.C. : Le Tchad se prépare à organiser des élections législatives et communales d’ici la fin du premier semestre de 2019. Quels seront les appuis auxquels le Tchad pourrait s’attendre de la part de l’Union Européenne ?

B.S. : Nous n’avons pas encore véritablement commencé des discussions avec les autorités tchadiennes à ce sujet. Nous attendons une opportunité qui vienne du plus haut niveau. Mais nous avons déjà fait savoir que nous sommes en mesure de répondre favorablement à l’appel lancé par le Président de la République. Nous travaillons en ce moment avec le PNUD pour finaliser un programme d’appui qui va répondre à la fois aux conditions politiques dans lesquelles ces élections vont être organisées, et aussi en fonction du budget et du calendrier. Mais tout cela dépend de la CENI qui va se mettre en place.

T.C. : Le délai fixé pour l’organisation de ces élections divise les acteurs de la vie politique. Qu’en dites-vous ?

B.S. : Il ne m’appartient pas de commenter cette question. Je suis comme tout citoyen observateur du processus qui semble prendre du temps : mise en place de la CENI, promulgation de la loi de révision du Code électoral, mobilisation des fonds, etc. Ce sont là des étapes qui restent à franchir et qui prennent manifestement plus de temps que ce qu’on peut imaginer au départ. Donc, ce n’est pas à nous de dire si c’est possible ou non d’organiser les élections avant la fin du premier semestre 2019. Nous attendons des indications de la CENI.

T.C. : La récente incursion des rebelles au nord-est du Tchad introduit un climat d’insécurité dans le pays. Peut-on valablement organiser des scrutins dans ces circonstances ?

B.S. : Ces décisions appartiennent aux autorités tchadiennes. Je n’ai pas à spéculer sur la sécurité du pays. J’ai plutôt l’impression que la situation dans le Nord-Est du pays est maintenant maîtrisée, comme nous l’ont fait savoir les autorités tchadiennes. Je n’ai pas de raison de les mettre en doute. Par conséquent, je ne pense pas qu’il y ait des difficultés liées à la sécurité intérieure pour organiser ces élections.

T.C. : Avez-vous un messager particulier à transmettre aux lecteurs de Tchad et Culture, et aux Tchadiens en général ?

B.S. : Je reviens à votre première question pour admirer tout le travail qui est fait par le CEFOD, en particulier dans le domaine culturel. C’est un domaine qui est facteur d’unité entre les citoyens, transmet une tradition de paix dans la confrontation et le partage des idées. C’est une très grande richesse du Tchad que d’avoir ce centre de dialogue de la diversité culturelle du pays. J’ai pu me rendre compte de la diversité de la culture tchadienne, de l’histoire du pays. J’ai été impressionné lors de ma visite au musée national par la longueur de la civilisation de cette partie du monde, à commencer par la découverte de Toumaï. Plus récemment, j’ai été heureux des récentes découvertes sur le chantier de la basilique où des vestiges de la civilisation Sao ont été mis au jour. Je suis très intéressé par l’histoire et la culture tchadienne dans toute sa diversité.

Interview réalisée par Nestor H. Malo

TC n°374, février 2019

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Par : Boutros

Par : Boutros

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