À l’issue d’une concertation avec les leaders des partis politiques, le Président du Conseil militaire de transition (PCMT) a instruit le 28 juillet 2022 dernier, le gouvernement d’octroyer une subvention de trois millions de FCFA à chaque parti politique pour préparer le dialogue. Cette décision remet au goût du jour le non-respect des lois dans notre pays.
Dans un Etat qui se dit démocratique, la décision d’une autorité quelle qu’elle soit, doit être fondée sur les lois et les règlements. Mais au Tchad, les lois sont violées allègrement par ceux-là qui sont chargés de les appliquer et de les faire respecter. Selon l’article 54 de la Charte de Transition, « le gouvernement assure l’exécution des lois ». La subvention allouée aux partis politique est régie par la loi n°019/PR/2009 portant Charte des partis politiques.
Selon l’article 31 de la Charte, la subvention est attribuée au parti politique qui justifie la tenue régulière des réunions de ses instances ; dispose d’un siège national exclusivement réservé aux activités politiques ; produit l’arrêt de la Cour suprême attestant la sincérité et la régularité de son compte logé dans une institution bancaire au Tchad, participe aux dernières élections générales, etc. En accordant cette subvention sans s’assurer au préalable de ces conditions d’éligibilité, le PCMT Mahamat Idriss Déby ignore royalement les dispositions de la Charte. N’a-t-il pas lui-même instruit le 16 mai dernier, le gouvernement d’appliquer la loi dans toute sa rigueur aux auteurs de troubles à l’ordre public lors de la marche du 14 mai 2022 de Wakit Tamma contre la politique française au Tchad ? La Charte de la transition affirme, en son article 30, que « le respect des lois est un devoir pour chaque citoyen ». Alors, comment peut-on expliquer cette politique de deux poids et deux mesures ?
Le PCMT encourage le détournement
La gestion de la subvention est soumise au contrôle de la Cour des comptes. Les partis politiques subventionnés ont l’obligation de rendre compte. Ils doivent le faire au plus tard le 31 mars de chaque année conformément à l’article 3 du décret n°029/PR/PM/2012 fixant les conditions d’éligibilité des partis politiques à la subvention de l’Etat. Le parti politique doit présenter ses comptes à la Cour des comptes en fournissant des pièces justificatives relatives aux opérations financières exécutées durant l’année. Ce contrôle à postériori met l’accent sur la transparence dans la gestion de ce fonds public. Car, « la production d’un faux bilan par tout parti politique entraîne la perte du droit au financement public pour l’année suivante, sans préjudice des poursuites (article 9 du décret°029) ».
En accordant la subvention sur une base non prescrite par la loi, les partis bénéficiaires peuvent considérer le geste comme une largesse du président de la République. Du coup, ils ne seront pas tenus de rendre compte de sa gestion à la Cour des comptes. En fin de compte, la violation de la Charte des partis politiques par le PCMT encourage le détournement des fonds publics qu’il prétend combattre. « Le Conseil Militaire de Transition (…) sera intraitable face à la corruption établie et au détournement avéré », avertit Mahamat Idriss Déby lors de son discours à l’occasion de la fête de Tabaski.
En démocratie, « nul ne doit échapper à la loi ». Autrement dit, la démocratie ne peut se réaliser que par le respect des règles de droit. La loi fera régner la justice qui est en elle-même. Le fait de dire : « Faites ce que je vous dis mais ne faites pas ce que je fais » ne peut conduire qu’à un désordre.
Alphonse Dokalyo