En marge de la journée africaine de lutte contre la corruption, nous avons échangé avec le coordinateur de l’Organisation tchadienne anti-corruption (Otac). Dans cet entretien, Jacques Saham Ngarassal, fervent défenseur des droits humains, revient sur cette journée, l’étendue de la corruption au Tchad et la marche à suivre pour lutter contre ce phénomène.
1- Ce mardi 11 juillet marque la journée africaine de lutte contre la corruption. Pourriez-vous brièvement revenir sur cette journée ?
Le 11 juillet marque la journée africaine de lutte contre la corruption. C’est aussi une journée d’anniversaire, car il y a 20 ans, 48 pays africains ont adopté à Maputo, au Mozambique, la Convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption (Cuaplc). Cette convention s’est fixée entre autres comme objectifs de « promouvoir et renforcer la mise en place en Afrique, par chacun des Etats parties, des mécanismes nécessaires pour prévenir, détecter, réprimer et éradiquer la corruption et les infractions assimilées dans les secteurs public et privé » et de « promouvoir, faciliter et règlementer la coopération entre les Etats parties en vue de garantir l’efficacité des mesures et actions visant à parvenir, détecter, réprimer et éradiquer la corruption et les infractions assimilées en Afrique ».
Aujourd’hui, (Ndlr : 11 juillet 2023), le Conseil permanent de l’Union africaine de lutte contre la corruption organise à Arusha en Tanzanie un forum qui réunit les acteurs de la lutte contre la corruption. Ces derniers se penchent sur la question de la corruption en Afrique.
2- Vingt ans après, quel bilan peut-on tirer ?
Quand vous faites un tour en Afrique, vous avez l’impression de vivre les mêmes maux. La corruption est monnaie courante et gangrène toutes nos sociétés. C’est un mal qui demande la conjugaison des efforts de tous les acteurs de la lutte, car il s’agit d’une forme de violation flagrante des droits de l’homme. Imaginez si quelqu’un détourne des fonds alloués à l’éducation ou à la santé, il fait du mal à toute une génération. Et c’est à ce niveau qu’il faut moraliser la vie publique. Il est important pour nous acteurs qui luttons contre ce phénomène d’interpeler nos autorités à améliorer notre système de gestion.
3- Quel est votre regard sur le Tchad en termes de corruption ?
Dans notre pays le Tchad, la corruption a pris le dessus dans tous les systèmes de la vie publique. On ne peut pas faire quelque chose au Tchad sans Agal-goro (contrepartie financière). L’administration publique n’évolue pas et la corruption a pris le dessus. A un certain moment, on se demande même si la corruption n’est pas institutionnalisée dans notre pays.
En matière de gestion de la chose publique, nous voyons qu’au Tchad, n’importe qui fait ce qui lui semble bon car on n’a pas pris le soin de mettre en place des garde-fous en manière de lutte contre la corruption.
Comme conséquence, beaucoup d’investisseurs qui viennent dans notre pays se découragent. Pour accéder à une autorité, il faut débourser de l’argent, ainsi de suite et les investisseurs voient notre pays comme un pays incertain.
Mêmes les plus jeunes, les élèves savent comment corrompre leurs enseignants en utilisant tous les moyens.
4- Comment lutter contre ce phénomène dans notre pays ?
Si on veut réellement combattre la corruption, cela doit commencer par la tête. Dire qu’on ne peut pas s’amuser avec la chose publique parce qu’on sera interpelé pour rendre compte de notre gestion, c’est une bonne chose mais la réalité aujourd’hui est que personne ne rend compte de sa gestion à qui que ce soit. Et à ce niveau, m’importe qui fait ce qui lui semble bon.
Pour lutter contre ce phénomène qui prend une place importante dans notre pays, il faut aussi une synergie d’actions entre les acteurs de la société civile que nous sommes mais aussi les gouvernants qui doivent prendre à bras le corps le problème de la corruption. Nous interpellons les autorités à s’investir honnêtement dans cette lutte. Fini le temps de discours creux, fini le temps de promesses fallacieuses de lutte. Le temps est aujourd’hui à l’action et au concret. Et tant que les autorités du pays et les organisations de la société civile ne s’investissent pas pour lutter efficacement, le pays va sombrer. Il y a tout un travail à faire en amont et en aval en notre sein et au niveau étatique pour inverser la tendance.
5- Dites-nous pour finir ce que l’Otac, votre organisation entend faire à cet effet ?
L’Organisation tchadienne anti-corruption (Otac) que je coordonne a mis en place un système de sensibilisation et d’éducation sur la question de lutte contre la corruption. Pour changer de paradigme, nous avons opté pour un travail de fourmis à travers des activités de sensibilisation et d’éducation.
Propos recueillis par Stanyslas Asnan