L’armée malienne a annoncé mardi dernier s’être emparée de Kidal, une ville clée du nord du pays que les rebelles touareg tenaient depuis une décennie.
« Mission accomplie » écrit L’Essor un quotidien malien au lendemain de cette reprise de Kidal. Ceci pour saluer une « bonne nouvelle » qui a mis, selon notre confrère « du baume au cœur » des Maliens. « De Kayes à Tombouctou en passant par Kati, Bamako, Sikasso, Mopti, Ségou, ils sont massivement sortis hier dans les rues pour manifester leur joie et magnifier la bravoure de nos vaillants militaires », constate l’Essor. Il faut dire que Kidal était le bastion des rebelles du Cadre stratégique permanent CSP, vous l’avez rappelé la ville a été récupérée par les Fama, entendez, Forces armées maliennes.
Une victoire de l’armée malienne quelques mois après le départ des forces étrangères
Les défenseurs de la thèse complotistes qui ont toujours argué que des forces étrangères présentes dans cette partie du Mali jouaient un double jeu sont confortés. Certains affirmaient clairement que ces armées jouaient le jeu des rebelles Touaregs. Pour preuve l’armée malienne était empêchée de mettre pieds à Kidal par ces troupes étrangères dont l’armée française. Mais les choses se sont corsées lorsque les nouvelles autorités maliennes se sont brouillées avec la France. Le Mali a fini par demander à l’armée française de quitter son territoire. Puis c’était au tour des autres forces étrangères de plier bagages sur l’injonction des nouvelles autorités maliennes. Beaucoup prophétisaient la catastrophe pour les Maliens après le départ des troupes étrangères. Manifestement c’est plutôt le contraire qui s’est produit puisque le Mali sous la présidence du colonel Assimi Goita est dans une dynamique de reconquête de l’ensemble de son territoire national.
Kidal reconquis : il faut maintenant assurer sa sécurisation parce que les rebelles ne se sentent pas totalement vaincus
Les rebelles promettent de venir à Kidal. Pour certains observateurs récupérer une ville comme Kidal est une chose mais en assurer sa sécurisation, en est une autre. Car Kidal a toujours été le bastion de toutes les rebellions indépendantistes qui ont marqué l’histoire du Mali. De ce fait, l’on craint que cette victoire des Fama réveille des velléités séparatistes que l’accord de 2015 signé à Alger entre le gouvernement central et plusieurs groupes rebelles devait mettre fin. En tout cas pour les Maliens, ce qui est important c’est d’occuper le terrain. Pour cela le gouvernement de transition envisage déjà de déployer l’administration pour assurer l’autorité de l’Etat. Un vaste chantier certes difficile mais pas impossible.
Enfin toute victoire militaire ne peut qu’être éphémère si l’on attaque le problème à la racine
Après l’euphorie de cette victoire les Maliens devront réfléchir pour asseoir une véritable politique de développement qui prendra en compte effectivement l’équité et la justice. Les Maliens comme beaucoup d’autres pays africains ont le même problème : le manque d’équité et de justice. Le grand nord du Mali a longtemps été déshérité sans école ni dispensaires. Les populations frustrées d’êtres marginalisées ont fini par se révolter devant ce que beaucoup qualifient de démission de l’Etat central. On peut toujours accuser tel ou tel pays d’avoir mis le feu dans notre pays ; mais tant que la justice et l’équité dans le développement de nos territoires ne sont pas assurés toute victoire militaire aussi éclatante soit-elle ne serait que de courte durée.
Pierre Boubane