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Le Tchad sans Idriss Déby Itno : l’an 1

Le Maréchal du Tchad, Idriss Deby Itno est mort, le 20 avril 2021. L’un de ses fils, le Général de corps d’armée, Mahamat Idriss Deby a repris le flambeau pour le meilleur et/ou pour le pire du Tchad, c’est selon. 

Un an après la mort du Maréchal Idriss Déby Itno, les circonstances de ce tragique décès ne sont toujours pas élucidées. Le Maréchal est mort aux combats en défendant l’intégrité du territoire national face aux rebelles du FACT. Un Conseil Militaire de Transition (CMT) est mis en place par la hiérarchie militaire. En catapultant le Général Mahamat Idriss Deby, le fils du défunt président, au poste de Président du CMT, Chef de l’Etat, Président de la République, les hauts gradés de l’armée ont mis les Tchadiens devant un fait accompli. La Constitution et l’Assemblée nationale sont suspendues. Depuis un an (2021-2022), le Tchad fonctionne sous un régime d’exception.

Quel bilan faire du CMT et de son chef à la tête du Tchad ? Pour certains observateurs, les douze mois du règne du Général Mahamat Idriss Deby sont marqués par une bataille pour l’héritage politique du Maréchal disparu. Ils estiment que la mort brutale de Deby-père est intervenue alors qu’il manquait un héritier politique clairement identifié et accepté par tous. Quatre héritiers « légitimes » se disputent cet héritage politique qui, de fait, selon toujours nos sources, n’existe pas puisque Idriss Deby a gouverné seul de son vivant. La bataille pour cet héritage pouvait être évitée si l’illustre disparu avait préparé un dauphin. C’est quasiment le péché de tous les grands dirigeants politiques africains. Amilcar Cabral (1924-1973) fit la même erreur avec le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC). Après sa mort le PAIGC est parti en vrille, faute de digne héritier bien préparé. Passons !

Les quatre héritiers politiques « légitimes »

Le groupe le plus visible semble être celui de Mahamat Idriss Deby qui a été hissé à la tête du pays, dès le 20 avril 2021. Ses détracteurs l’accusent, à tort ou à raison, d’être un otage au sommet de l’Etat. On l’affiche en tant qu’héritier politique dans le cadre d’un « dauphinat intelligent découlant d’une vision stratégique française » écrit, par exemple, un analyste politique. Selon lui « dans l’histoire pour Mahamat Kaka, c’est qu’il aurait été obligé par ses parrains à promettre un dialogue national suivi d’élections présidentielles auxquelles il devrait s’exclure ». Mahamat Kaka tient à ce que le Dialogue ait lieu à tout prix. Le deuxième groupe qui « exerce une pression forte est le groupe des généraux et hommes clés du clan Zagawa ainsi que les enfants biologiques d’Idriss Deby Itno », estime la même source. Non seulement ceux-ci contesteraient le choix français, mais en plus la transition politique ne semblerait pas faire leur affaire. Ce clan serait hermétiquement fermé à tout dialogue avec l’opposition politique qui aurait pu trouver une porte de sortie par le haut pour tout le Tchad. Le troisième groupe est celui des dignitaires du MPS, mouvement politique du défunt président. Si le parti semblait souffler le chaud et le froid sur le reste de l’élite tchadienne, « il était loin du cœur du pouvoir détenu en réalité par Deby et ses généraux accusés d’être analphabètes ». Selon notre analyste « Ces hommes et femmes du MPS voient d’un mauvais œil que les enfants de Déby veuillent diriger le pouvoir sans se référer à eux ». Enfin, il y a l’ancienne Première dame, Hinda Deby à qui on prête l’intention de revenir sur la scène politique en tant qu’héritière politique de son défunt mari. Partout au Tchad, depuis l’ouverture du pré-dialogue de Doha, les associations à caractère politique sont en ébullition. Il faut faire feu de tout bois pour exister en politique.

Les douze mois de Mahamat Idriss Déby sur le plan sécuritaire

Sur le plan sécuritaire, la menace des rebelles contre le Tchad a été enraillée. Tant mieux ! Mais les douze mois de Déby-fils sont marqués par les scènes d’affrontements intercommunautaires, avec à la clé des morts et des blessés. Le CMT et son chef tentent de contenir ces violences. Si le clivage communautariste persiste et conduit les Tchadiens à des affrontements sanglants, c’est parce que les hommes politiques ont souvent exploité et instrumentalisé la fibre clanique, ô combien sensible, à des fins électoralistes. Le phénomène n’est pas nouveau. Ces scènes de violence et de haine qu’on enregistre, ici, là et ailleurs dans le pays sont héritées. Espérons qu’avec le Dialogue Nationale inclusif tous ces sujets seront débattus et que des plans de résolution pacifique des différends qui opposent les populations seront proposés.

Les défis à court, moyen et long terme

Parmi les chantiers de Mahamat Kaka le dialogue national est la priorité pour les autorités de la transition. A long terme, il faut surtout le renforcement de la culture démocratique. Ceci concerne tous les Tchadiens. Dans son livre Eduquer à la démocratie, Alain Mougniotte indique qu’il est possible d’éduquer à la démocratie. Même s’il hésite de parler de démocratie au singulier, car estime-t-il, on devrait peut-être, plutôt parler « des démocraties ». Docteur en sciences de l’éducation et maître de conférences à l’université de Lyon-III, Mougniotte propose dans Eduquer à la démocratie des voies pour une véritable éducation à la citoyenneté et à la démocratie : éduquer aux valeurs, éduquer aux difficultés, éduquer aux paris et éduquer aux défis de la démocratie. Selon lui la démocratie n’existe pas. Ce qui existe, ce sont des valeurs dites et considérées comme démocratiques auxquelles on doit être éduquées. Dans notre pays, afin d’éviter que la politique continue de devenir une affaire de clan, de famille ou de l’armée, il sied d’éduquer les citoyens aux valeurs de la démocratie.

Pierre Boubane

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Par : Boutros

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