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La traite des personnes au Tchad, un crime impuni

Au Tchad, malgré l’existence des lois réprimant la traite des personnes certains individus se livrent, parfois à visage découvert, à cet acte répréhensible sans être inquiétées.

« Aucune enquête, poursuite ou condamnation de cas confirmés de traite n’ont été signalé par le gouvernement », lit-on dans les conclusions du rapport d’août 2021 sur la traite des personnes de l’Ambassade des Etats-Unis au Tchad.

En effet, selon l’article 5 de l’Ordonnance n°006/PR/2018 du 30 mars 2018, portant lutte contre la traite des personnes en République du Tchad,« la traite des personnes désigne le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes par la menace de recours ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par l’enlèvement, la fraude, la tromperie, l’abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité ou par l’offre ou l’acceptation des paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation ».En un mot, la traite des êtres humains consiste en l’exploitation d’individus à des fins lucratives. Il s’agit en réalité d’une forme d’esclavage moderne. En ce sens, l’ordonnance n°006, en son article 6, assimile la traite des personnes à un crime.

En matière de crime, l’action publique pour l’application des peines est mise en mouvement par le Parquet ou le Ministère public et exercée par les magistrats ou les fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi (Cf. art. 1er du Code de procédure pénale). Le Procureur de la République (PR), responsable du Parquet, est habilité à poursuivre les criminels au nom de l’Etat. Pour ce faire, il doit s’autosaisir d’office de l’affaire et en confier au juge d’instruction chargé d’investiguer pour établir la responsabilité.

La justice impuissante

Mais, l’on constate que la justice demeure impuissante. Aucune poursuite de traite des personnes n’a été engagée par les magistrats du Parquet. Pourtant, « en février 2021, le ministère de la Justice a publié une directive à l’intention de tous les procureurs, présidents des Cours d’appel et présidents des grands tribunaux exhortant les autorités judiciaires à donner la priorité aux cas de traite et à transmettre tous les cas avant et après jugement au Département des affaires judiciaires du ministère de la Justice ». Malheureusement, certains individus qui se livrent à visage même découvert à la traite des êtres humains et qui sont, pourtant, dénoncés souvent par les médias et les défenseurs des droits humains, ne sont nullement inquiétés. Les victimes sont généralement des enfants. « Des officiers du bataillon de la force conjointe du G-5 Sahel du Tchad, stationnés dans la province du Tibesti, dans le nord du pays, ont identifié 19 enfants victimes potentielles lors d’une opération en février 2021 ». Elles sont séquestrées par leurs « maîtres » qui les obligent à travailler pour eux, le plus souvent sous la menace de sévices ou d’autres punitions, comme bouviers ou travailleurs dans les champs. Plusieurs faits sont avancés pour justifier cette impunité dont jouissent les esclavagistes.

Le rapport de l’Ambassade des Etats-Unis au Tchad établit qu’il existe des rapports de complicité entre des trafiquants et des forces de sécurité, ainsi que des fonctionnaires, chargés de lutter contre la traite des personnes. Ces derniers tirent profit d’activités illicites telles que le travail forcé dans l’élevage de bétail. De plus, les fonctionnaires complices d’infractions de traite des êtres humains n’ont pas été poursuivis. Aussi, « le gouvernement n’a pas fait de recherche indépendante sur la traite au Tchad, ce qui a exacerbé un manque général de compréhension du problème dans le pays », signale le rapport sur la traite des personnes de l’Ambassade des Etats-Unis.

La justice est le gardien des libertés et du respect des droits fondamentaux de l’homme. Le Parquet doit poursuivre des auteurs de crimes conformément aux lois en vigueur. Il s’agit notamment de la  loi n°006/PR/2018 relative à la lutte contre la traite des personnes et de la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui adoptée par les Nations Unies en 1949 dont le Tchad est partie signataire.

Alphonse Dokalyo

 

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Alphonse DOKALYO

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