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Débat général. Contribution de la section du Tchad

Intervention
de
M. Haroun KABADI, président de l’Assemblée nationale, président de la section tchadienne de l’APF

INTRODUCTION

L’usage de la langue française, depuis quelques années ou décennies, connaît un net
recul sur le plan international et à l’intérieur même des Etats de l’espace
francophone : dans de nombreux pays naguère exclusivement francophones, de
nouvelles langues, principalement l’anglais et l’arabe, s’installent et gagnent du terrain.
Face à cette situation, les différents sommets de la Francophonie (XIème et XIIème
sommets notamment) ont fait des recommandations en vue d’accroître la promotion de
la langue française.

Bien évidemment, la promotion de la langue française commence par son enseignement
à l’école d’une part, son usage dans les établissements scolaires et d’enseignement
supérieur et dans les administrations publique et privée d’autre part. Ceci est le cas
au Tchad, même si la langue arabe est promue aussi au rang de langue officielle par la
Constitution, depuis 1996.

Consolider ces acquis nécessite une plus grande diffusion, en recourant aux moyens de
communication les plus usités. De nos jours, le livre seul ne suffit plus, et d’ailleurs on
lit de moins en moins. C’est pour cela que les médias et les technologies de
l’information et de la communication constituent non seulement les moyens de la
diffusion du savoir et des mots d’ordre de développement, mais aussi un puissant
vecteur de l’expansion de la langue.

I- LE PAYSAGE MEDIATIQUE AU TCHAD

Le Tchad, depuis son entrée dans l’ère démocratique en 1990, connaît une éclosion des
médias. Des publications variées relaient les informations et contribuent à l’animation
de la vie politique et sociale du pays.

1- LA PRESSE ECRITE

On dénombre quarante trois (43) parutions dont un organe public :
- Un (1) Quotidien, en langue française
- Deux (2) Bihebdomadaires en langue française
- Dix sept (17) Hebdomadaires dont 14 en langue française et 3 en arabe
- Onze (11) Bimensuels dont 4 en langue française et 7 en arabe ou arabe et
français.
- Douze (12) Mensuels.

Ces journaux paraissent à N’Djamena ; les titres tirent à peine à 1 500 exemplaires,
distribués essentiellement dans la capitale. Les coûts de production, notamment
l’impression sont tellement élevés que les journaux sont quasi inaccessibles aux
bourses moyennes. Trois journaux seulement paraissent dans l’arrière-pays (Sarh,
Moundou et Pala), de façon irrégulière. Les populations des provinces et des zones
rurales ne reçoivent pratiquement pas de journaux en raison des difficultés de
transport et de la faiblesse du pouvoir d’achat. Quand on sait que qu’à peine 27% des
tchadiens sont des citadins, on comprend que plus de 70% n’ont accès à la presse
écrite.

2- L’AUDIOVISUEL

Le paysage audiovisuel comprend soixante trois (63) radios et télévisions :
- 1- Six (06) Radios et Télévisions publiques à N’Djamena et dans les villes de
l’intérieur ;
- 2- Trente et neuf (39) Radios privées associatives ou communautaires dont huit
(08) à N’Djamena ;
- 3- Trois (03) Radios privées confessionnelles dont deux (02) à N’Djamena et la
Troisième à Laï dans la Tandjilé ;
- 4- Une (01) Radio privée commerciale, à N’Djamena ;
- 5- Deux (02) Télévisions privées, à N’Djamena ;
- 6- Six (06) Radios internationales diffusant directement (RFI, BBC, Africa n°1)
et couvrent quatre (04) villes (N’Djamena, Moundou, Abéché et Sarh) ;
- 7- Six (06) Radios internationales diffusant en partenariat avec les radios privées
locales (Voix de l’Amérique à N’Djamena, Al Djazira à N’Djamena, BBC à
N’Djamena, Moundou et Sarh, et Deutsche Welle à Moïssala dans le Mandoul)

On y ajoutera onze (11) Radios et Télévisions publiques en cours de mise en service.

Les programmes des stations nationales sont diffusés en grande partie en langue
française ; des tranches horaires sont consacrées aux langues nationales et à la
langue arabe.

▪ Les cinq (05) antennes de la radio d’Etat installées dans certains chefs-lieux de
région (5 sur les 22 régions que compte le pays) relaient les programmes de la Radiomère
basée à N’Djamena, avec cependant quelques émissions à portée et d’intérêt
local, avec notamment les programmes des radios rurales.

▪ Les radios privées d’informations générales et parfois des radios dites associatives
ou communautaires diffusent leurs programmes en langue française, avec des
tranches horaires pour les principales langues nationales.

▪ Deux (02) radios privées (Radio Soleil à Pala dans le Mayo-Kebbi Ouest et Radio
Njimi à Mao dans le Kanem) ont été installées grâce au concours de l’OIF.

▪ Les stations de télévision sont localisées à N’Djamena ; malgré le branchement sur
satellite arababsat de l’Office National de Radio et Télévision (chaînes d’Etat), moins
de 5% de la population y a accès en raison de la faiblesse de la couverture du réseau
électrique, de la précarité de l’approvisionnement en électricité et des coûts élevés
des équipements (téléviseurs, antennes, décodeurs,…).

▪ Les émissions des radios privées, toutes en modulation de fréquence, ont des rayons
de couverture qui n’excèdent pas trente (30) à quarante (40) kilomètres des centres
urbains où ces stations sont implantées.

▪ Les vidéoclubs privés qui foisonnent, y compris dans les villages, constituent un
important vecteur de la francophonie, tant est-il que les films projetés sont en langue
française.

▪ Les centres culturels et les programmes d’alphabétisation, réduits en peau de
chagrin, ne permettent plus de porter l’apprentissage et la diffusion de la langue
française dans les grandes agglomérations, et encore moins dans les zones rurales.

▪ Malgré une législation garantissant la liberté de la presse – la dernière loi sur le
régime de la presse a dépénalisé le délit de presse – la presse tchadienne est loin de
pouvoir jouer le rôle qu’on pourrait attendre d’elle dans la promotion de la langue
française.

II- LES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION ET DE LA
COMMUNICATION

Les nouvelles technologies, à savoir l’outil informatique, les numérisations, la fibre
optique et les satellites offrent de grandes perspectives de développement de la
communication, c’est-à-dire de la diffusion des connaissances et de l’expansion de la
langue française. Encore faut-il y accéder.

Dès 1996, les pays africains ont engagé l’initiative AISI en vue du développement des
infrastructures de télécommunications comme voie facilitant l’intégration du
continent dans la Société (mondiale) de l’Information. Le NEPAD, en 2001, a confirmé
cette option faisant des TIC un des axes majeurs des actions.

Cependant, de nombreux obstacles n’ont pas permis au Tchad de participer en tant
qu’acteur au Sommet Mondial de la Société de l’Information (SMSI). Il fallait en
effet résoudre les difficultés liées au développement des infrastructures, au
renforcement des capacités et au cadre juridique et réglementaire approprié en
particulier, pour tirer le meilleur parti de la téléphonie mobile et de la connexion
internet à haut débit.

Le Gouvernement a alors sollicité et obtenu l’appui de la Commission Economique des
Nations Unies pour l’Afrique (CEA) et d’autres partenaires pour l’élaboration d’un plan
cohérent de développement des TIC. La Stratégie Nationale de Développement des
Technologies de l’Information et de la Communication (SNDTIC) en a résulté, avec
comme point focal le ministère des postes et des technologies nouvelles de la
communication.

Au nombre d’handicaps relevés pour le développement des TIC, on citera :
- équipements des télécommunications obsolètes et faible couverture nationale ;
- bande passante offerte par l’opérateur historique qui détient encore le monopole
est très faible par rapport aux besoins ;
- accès à l’internet difficile du fait du très faible débit à N’Djamena, et très peu
développé dans l’arrière-pays ;
- coût élevé des équipements renchérissant les prix d’accès (les plus élevés
d’Afrique) ;
- énorme déficit en ressources humaines qualifiées dans le domaine des TIC ;
- cadre juridique et réglementaire obsolète, marquée par la bureaucratie et la
centralisation.

▪ Des actions, dans le cadre de ce programme, sont entreprises pour résoudre ces
difficultés : réforme et privatisation du secteur des télécommunications, création
d’un office de régulation, pose de la fibre optique à partir du Cameroun le long du
pipeline, engagement des processus de révision des textes législatifs et
réglementaires, effort de promotion de l’utilisation de l’outil informatique dans les
services et interconnexion entre services gouvernementaux, etc.

▪ De son côté, le ministère de l’information et de la communication s’est engagé dans
la voie de la modernisation, en programmant le passage de l’analogique au numérique.
Il s’agit en fait d’une exigence de notre époque, compte tenu de l’obsolescence des
équipements et de l’impossibilité progressive de trouver des pièces de rechange pour
leur maintenance. Un programme assorti d’un chronogramme d’exécution a été
élaboré ; une conférence internationale sur le passage au tout numérique est prévue à
N’Djamena, pour le mois de septembre 2012.

CONCLUSION

En raison de la mondialisation, les pays francophones sont contraints à l’ouverture
vers d’autres zones linguistiques (anglophone et arabophone principalement). L’entrée
en jeu des nouvelles technologies de l’information et de la communication (internet,
numérique, satellite, …) amplifie les effets de cette ouverture et engendre le recul de
la francophonie.

Afin de faire face à la perte progressive de l’hégémonie de la langue française, les
pays de l’espace francophone, à travers l’Organisation Internationale de la
Francophonie, doivent agir avec plus de volontarisme et de détermination selon
notamment les axes indicatifs et non exhaustifs ci-après :

1- La conception, la fabrication et la diffusion à grande échelle des équipements et
autres logiciels.

2- L’assistance aux Etats dans l’élaboration et la mise en oeuvre des programmes de
développement des TIC.

3- L’extension du réseau de la fibre optique afin d’irriguer tout le territoire.

4- La facilitation de l’accès aux chaînes francophones, plus particulièrement les
chaînes éducatives, les chaînes pour enfants et les chaînes sportives.

5- L’assistance aux institutions et services impliqués dans le renforcement des
capacités.

6- L’assistance aux Etats pour la mise en adéquation des législations et
réglementations.

Tout ceci devant aller de pair avec la disponibilité de l’approvisionnement en énergie.
Comme on le voit, la réalisation à brève échéance de tels programmes nécessite non
seulement une forte volonté politique, des programmes pertinents et des moyens
colossaux hors de portée de la grande majorité des pays de l’espace francophone. Les
apports des pays francophones qui ont davantage de moyens et des institutions
financières internationales sont indispensables.

Telle est notre modeste contribution à cette réflexion sur ce sujet capital dans la
promotion de notre langue commune, qui nous permet certes de communiquer entre
nous, mais qui surtout nous permet de diffuser des notions et mots d’ordre de
progrès social.

Cette contribution présente évidemment la situation qui est la nôtre, au Tchad ; peutêtre
que certains pays, notamment ceux de l’Afrique sub-saharienne, connaissent des
situations similaires.

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Rolland Mainroal

Rolland Mainroal

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